La provocation, avec la Perfidie, ce n'était pas bien grave et ça n'allait jamais bien loin, car le Prince et le Démon avaient toujours eu une relation plutôt spéciale, mais avec le Sexe, c'était une toute autre paire de manches. Innocence n'avait aucunes certitudes sur la non-violence de la femme qui se tenait face à elle, rien ne lui prouvait qu'à titiller le point sensible, elle ne risquait pas sa place, car après tout, Andrealphus était manipulatrice et la jeune femme n'avait pas la moindre idée du lien qui associait son supérieur à celle qui lui faisait face. Aux premières paroles incluant le si rabaissant mot « maître », elle feint l'indifférence parfaite, les yeux rivés sur la créature de rêve, qui, soudainement, ne lui faisait plus l'effet que d'un laidron mal luné qu'elle aurait envoyé dans la benne à ordures la plus proche si cela avait été en son pouvoir. Aux secondes, d'autant plus agaçantes qu'elles la descendaient au rang de jouet, elle détourna le regard vers le décor, par dessus l'épaule de celle qui ne paraissait plus l'intéresser. L'écoutait-elle au moins ? Le doute était possible. Tout un art qu'elle empruntait momentanément à l'être le plus patient qu'elle connaissait, et ce pour ne pas mettre une gifle royale à la pimbêche de service.

« Si tu avais choisi ma sphère jamais un tel mécanisme ne serait produit.» Une ombre de sourire s'est dessiné sur les lèvres d'Innocence, sans qu'elle laisse l'occasion au Prince de deviner si il s'agissait d'une réaction au petit discours ou si une rêverie profonde en était responsable. Oui, le Démon était réputé pour son sale caractère, et ceux qui avaient été proches d'elle connaissaient son aptitude à l'auto-destruction, mais en l'occurrence, sa résistance n'avait aucun rapport avec son masochisme latent, bien au contraire. Oh, elle n'aurait pas affirmé que les provocations ne lui faisaient rien, elle était même à deux doigts de laisser s'exprimer toute sa révolte intérieure, cependant elle était consciente du risque, ainsi ne le fit-elle pas. Il fallait faire preuve de respect.

« Aucune raison n’oblige jamais rien, tout est question de choix. » Soupir las. Le regard bleuté se pose dans celui de l'autre blonde, sans un commentaire. « Si tu t’intéresses tant à sa sphère, sache que malgré sa Discordieuse personne il aime la discipline et le respect parmi ses rangs.» C'était là, la goutte d'eau qui vint faire déborder le vase mental de la jeune femme. « Vous ne pouvez pas jouer avec les Démons des autres, comme cela vous chante, sans raison. Vous pourrez me tenter comme vous le voudrez, c'est peine perdue, mon choix est fait. Je préfère largement être privée de contacts plutôt qu'être considérée comme une traînée. » Le ton était parfaitement calme, elle jouait sur le contraste entre la dureté des paroles et la politesse qui venait tinter sa voix. « La hiérarchie m'oblige à refuser vos propositions douteuses, et si vous pouviez être tentante il y a quelques temps, votre attitude envers moi m'a assez refroidie pour une bonne dizaine d'années. » Sortie de la Tour, elle a refermé la porte derrière elle, se laissant ainsi englober par l'aura du Prince, étouffante, menaçante, mais elle ne tenait pas à se faire mal voir par les êtres présents dans la bâtisse qui pourraient y voir une intrusion. A la merci du Sexe, oui.. elle s'en est d'ailleurs éloignée, en effectuant quelques pas sur le côté, désireuse de se libérer de son emprise infernale. « Je suis désolée si je vous ai vexé, mais j'ai horreur d'être traitée comme un vulgaire jouet ou un animal de compagnie. Ne pouvez-vous donc pas concevoir que l'on se fasse à la frustration ? » Calmer le jeu avant de se faire démonter la cervelle, une nécessité soudaine.